En 2002, une loi consacre au patient les droits suivants : la prestation de services de qualité, le libre choix du praticien professionnel, l’information sur son état de santé, le consentement libre et éclairé sur la prestation médicale, l’accès au dossier médical, le respect de sa vie privée, les soins visant à soulager la douleur (ajouté par la loi du 24 novembre 2004) et enfin la possibilité de pouvoir introduire une plainte.

En 2003, la fonction est organisée au sein des hôpitaux. Un service gratuit de médiation locale est mis à la disposition des patients. Là où cette fonction de médiation n’est pas organisée, le service fédéral de médiation « droits du patient » (DP) est compétent pour traiter des plaintes (ex : un différend avec le médecin traitant ou au sein d’une maison de repos et de soins).

L’article 11 de la loi, précise les missions de la fonction de médiation. Il s’agit tout d’abord de prévenir les questions et les plaintes par le biais de la promotion de la communication entre le patient et le praticien professionnel, et le cas échéant, assurer la médiation des plaintes. Le médiateur a également pour mission d’informer le patient sur les autres possibilités de traitement de sa plainte si la médiation a échoué. Il communique des informations sur l’organisation, le fonctionnement et les règles de procédure de la fonction de médiation. Enfin, il formule des recommandations permettant d’éviter que les manquements susceptibles de donner lieu à une plainte ne se reproduisent.

A la lecture des rapports des médiateurs locaux1, nous apprenons, entre autres, que dans les hôpitaux généraux, ils ont rapporté en 2014 (dernière année d’exercice publiée à ce jour) quelques 20.647 plaintes liées à un droit du patient. Celles-ci concernent essentiellement le droit à des prestations de qualité (65%), le droit à l’information sur son état de santé (15%), le droit au consentement libre et éclairé à toute intervention du praticien professionnel (6%) et le droit à la copie du dossier de patient (5%). Les plaintes concernant les autres droits sont moins nombreuses.

Du côté des hôpitaux psychiatriques, on relève au total 1.853 plaintes liées à un droit du patient. La majorité des plaintes concernent le droit à des soins de qualité (68%). Les patients invoquent aussi le droit au consentement libre et éclairé à toute intervention du praticien professionnel (13%). Les plaintes concernant le droit à l’information sur son état de santé (6%), le droit au libre choix du praticien professionnel (4%), le droit à la protection de la vie privée (4%) et le droit à la copie du dossier de patient (2%) sont moins nombreuses.

Les médiateurs signalent certaines difficultés liées à l’exécution des missions administratives de la fonction de médiation (29%), et ensuite à la médiation même (25%) et à l’infrastructure, aux personnes et aux moyens mis à la disposition du service de médiation (25%). Dans une moindre mesure les médiateurs rencontrent des difficultés par rapport au maintien de leur neutralité et de leur impartialité (12%), relatives au respect du secret professionnel (11%), et concernant le maintien de leur indépendance (10%).

De nombreux médiateurs traitent aussi d’autres plaintes que celles qui concernent les droits du patient (loi du 22/08/02). Certains médiateurs traitent autant de plaintes relatives aux droits du patient que de plaintes qui échappent au champ d’application. Un certain nombre de médiateurs assurent également d’autres fonctions dans l’hôpital.

La médiation participe à l’avenir des relations entre la société et les professionnels des soins de santé. On peut comprendre, dès lors, qu’il donne lieu à de nombreux débats et discussion. En effet, si la loi relative aux Droits du patient représente pour de nombreuses personnes une réelle avancée, elle ne fait pas pour autant l’unanimité. A l’Association des médiateurs en institution de soins nous adhérons à la définition de Michèle Guillaume-Hofnung qui décrit la médiation comme un « processus volontaire d’établissement ou de rétablissement du lien social, de prévention ou de règlement des différends. Ce processus s’effectue au travers d’une communication éthique durant laquelle les personnes s’efforcent de renouer le dialogue pour trouver une solution à leur situation. Au cours de ce processus, un médiateur, tiers indépendant, les accompagne de façon impartiale, et sans influencer les résultats tout en garantissant le respect des intérêts de chacun des participants et la confidentialité des échanges. »

Il est parfois reproché à la médiation en milieu hospitalier de ne pas donner suffisamment de garanties quant à son indépendance. Un manque d’accessibilité et de visibilité est parfois soulevé. Les prestataires de soins, réagissent parfois au fait qu’actuellement seul le patient peut introduire une plainte et qu’on parle de médiateur « droits du patient ». Ces derniers qui ont la crainte d’être confrontés à toujours plus de plaintes, ont alors le souhait de voir également édicter des devoirs du patient.

Le fait que le patient puisse « introduire une plainte », voire déposer celle-ci auprès de la fonction de médiation compétente, et que l’institution dispose alors d’un médiateur ne doivent pas nous faire oublier l’esprit de la médiation et certains de ses principes fondamentaux.

En effet, la médiation a pour objectif de laisser les médiés seuls décisionnaires de l’accord qui résultera de leur discussion animée par le médiateur. Aujourd’hui, on observe que les parties (plaignantes et mises en cause) se « déchargent » parfois de leur problème qui devient rapidement celui du médiateur.

En médiation, il est important que chacun puisse être conscient que le dépôt d’une plainte, ce n’est pas seulement l’expression d’une insatisfaction mais surtout l’opportunité d’améliorer la qualité des soins et des services. Il ne devrait donc pas être exclu que le patient puisse (tenter de) s’adresser directement à la personne qu’il met en cause, et celle-ci de pouvoir répondre. En cas d’insatisfaction, le recours à la fonction de médiation reste possible.

Concernant l’art de la médiation, l’arrêté royal du 08/07/03 prévoit dans son article 2 que la formation du le médiateur doit disposer au moins d’un diplôme de l’enseignement supérieur de type court.

L’Association des Médiateurs en Institutions de Soins (AMIS), fondée le 12 mai 2005, permet de répondre aux préoccupations de ses membres adhérents en leur offrant régulièrement des outils concrets dans l’apprentissage des techniques de médiation et en mettant à leur disposition un forum de discussion à partir duquel chaque médiateur peut bénéficier de l’avis de ses pairs. Si l’association a mis un point d’honneur à sensibiliser les médiateurs aux règles de bonnes pratiques, en rédigeant en 2009, un code de déontologie, elle s’intéresse également à l’évaluation de la fonction de médiation.

Une étude réalisée par un membre de l’AMIS, en 2010-11, avait notamment permis d’élaborer un questionnaire de satisfaction (65 questions) visant à définir les représentations que peuvent avoir les médiés sur le rôle du médiateur, des tiers participants, de la médiation, des modes de connaissance du processus, du déroulement de la médiation, de la résolution du conflit et de l’issue de la médiation.

Selon cette étude qui a été menée2 auprès de 140 médiés, ils sont plus de 50% à ne pas tenter de négocier directement avec l’autre partie et ils sont même 40% à attendre que le médiateur décide pour eux. Les médiés disent venir en médiation surtout pour trouver un arrangement à l’amiable (45%) et pour s’expliquer avec l’autre (40%), davantage que pour écouter le point de vue de l’autre médié (14%). Ils sont également nombreux à penser qu’ils ont produit un effet sur l’autre et que ce dernier n’en a pas produit sur eux, mais sont quand même, finalement, 43% à dire que la médiation leur a permis de comprendre la position de l’autre partie. Un tiers des participants disent même que leur relation avec l’autre partie s’est améliorée au cours de la médiation…

Notons aussi que 26% des médiés ne connaissaient pas du tout la médiation avant d’y participer, 45% un peu et 30% bien voire très bien. Parmi les éléments qui peuvent amener une personne à choisir la médiation, il y a le souhait de trouver ensemble un accord (53%) et la possibilité de s’expliquer avec l’autre partie (28%). Parmi les éléments qui peuvent l’en dissuader, il y a la peur que la sanction puisse être plus faible qu’en justice (28%), le fait de ne pas avoir toutes les garanties de droit (24%) et que cela peut rallonger la procédure (24%). Pour les médiés, le médiateur doit surtout être à l’écoute. Une qualité qu’il juge deux à trois fois plus importante que toutes les autres (ex : impartialité, neutralité, connaissances relatives au secteur des soins de santé, …). 65% des médiés estiment ne pas avoir été influencés par le médiateur (contre 41% en médiation familiale, en étude comparative). Ils sont 97.5% à avoir pu exprimer facilement leur point de vue et 73% à penser que l’autre partie a été (tout à fait ou en partie) à l’écoute de leur problème. Enfin, 57% des médiés disent être satisfaits de l’accord trouvé et 31% partiellement.

L’association des médiateurs vise également à être un interlocuteur privilégié auprès de l’autorité fédérale et des entités fédérées, en relayant auprès des instances compétentes les réalités vécues par ses membres. Ainsi, mi-octobre 2012, dans le cadre de leur symposium, les médiateurs se sont concertés afin de formuler, tous ensemble, des recommandations aux autorités compétentes, souhaitant que les diverses problématiques qu’ils rapportent depuis des années, puissent (enfin) faire l’objet de mesures concrètes.

Malheureusement, outre un accusé de réception de notre courrier par la ministre fédérale de la santé de l’époque, qui relayait notre demande et nos attentes auprès de la Commission Fédérale « Droits du patient » (CFDP), aucun suivi et mesures concrètes n’auront été réalisés.

Il semble qu’il y ait eu davantage d’intérêt pour le contenu des rapports des médiateurs locaux, notamment pour les rendre publics, qu’aux moyens alloués à la fonction de médiation pour que celle-ci puisse jouer pleinement son rôle.

En effet, les données chiffrées de l’hôpital (nombre et types de plaintes reçues par le médiateur) sont publiées depuis 2014 sur le site du Service Public Fédéral, sur base du rapport annuel du médiateur3.

L’initiative visant à la publicité des rapports annuels des médiateurs « Droits du patient », a été prise par le Politique, dans le but, précisera celui-ci, d’apporter davantage de transparence pour les citoyens, mais ne suit pas les réserves soulevées dans l’avis de la commission fédérale « Droits du patient », ni celles formulées dans l’avis du Conseil d’Etat.

On relève plus de désavantages que d’avantages à publier les données chiffrées qui sont issues des rapports des médiateurs locaux, puisque l’on compare, ni plus ni moins, des pommes avec des poires (les médiateurs pouvant classer leur plaintes de manière différente), et dès lors que des pressions sont susceptibles d’être exercées à l’encontre de certains médiateurs (sur le contenu de leur rapport,…), il ne devrait y avoir aucun intérêt à publier ces données, en tous cas, pas avant que des mesures ne puissent être prises pour renforcer l’indépendance des médiateurs…

En effet, de nombreuses questions font toujours débat, et attendent de réponses… notamment concernant les moyens alloués à la fonction de médiation pour que celle-ci puisse jouer pleinement son rôle.

Dans le contexte de la sixième réforme de l’Etat et du nouveau transfert de compétences, la Commission fédérale « Droits du patient » a rédigé une note conceptuelle à l’attention de tous les Ministres de la Santé compétents4.

Mais que peut-on dire de ce document intitulé «La mise en oeuvre de la médiation des plaintes (loi relative aux droits du patient du 22 août 2002) dans le cadre de la sixième réforme de l’État ?».

Si de nombreux médiateurs estiment que les arguments avancés par la Commission fédérale des droits du patient sont pertinents, ils estiment, par contre, que certains aspects relatifs à la fonction de médiation locale dans le secteur des soins de santé font défaut ou qu’ils sont trop peu développés (par exemple, le point VI « Statut et formation du médiateur »). Il serait bien, en effet, que les mesures prises puissent tenir compte également des réalités de terrain vécues par les médiateurs (et cela tant dans l’intérêt des patients que des prestataires de soins).

Depuis mars 2015, l’AMIS a constitué plusieurs groupes de travail (ROI commun – Les écrits en médiation – Collaboration avec les entités fédérales/fédérées – Renforcement du cadre de la fonction de médiation – Recommandations).

Une enquête a tout récemment été réalisée auprès des médiateurs, membres de l’AMIS et de la VVOVAZ (de Vlaamse Vereniging Van Ombudsfunctie Van Algemene Ziekenhuizen), et est actuellement en cours d’analyse. L’étude qui a été proposée à près de 130 à 140 médiateurs porte sur des questions générales relatives à la médiation dans le secteur des soins de santé, sur le médiateur, le suivi du processus de médiation des plaintes, les aspects administratifs relatifs à la fonction, et enfin les remarques ou suggestions que peuvent formuler les médiateurs. Cette étude qui pourrait être publiée à l’avenir renforce le(s) constat(s) des médiateurs.

Ceux-ci souhaitent donc formuler les recommandations suivantes :

– Recommandations relatives à la fonction de médiation en soins de santé :

  1. Garantir légalement la confidentialité des échanges en médiation par toutes les parties.
  2. Reconnaitre un statut professionnel pour la fonction de médiation en soins de santé afin de garantir un cadre sécurisant pour le médiateur.
  3. Intégrer la participation de médiateurs dans les organes de décision politique qui ont trait aux droits du patient aux niveaux fédéral et régional.
  4. Contrôler le respect de l’indépendance du médiateur (incompatibilités de fonction et hiérarchique).
  5. Contrôler le cadre de travail et les moyens affectés au médiateur pour assurer ses missions.
  6. Revaloriser le financement de la fonction de médiation en attribuant un budget adapté au nombre de contacts patients avec l’institution et aux spécificités de la patientèle.

– Recommandations relatives aux droits du patient

  1. Favoriser et encourager les possibilités de formation des professions soignantes axée sur la communication et les droits du patient. Favoriser les lieux d’échange et d’expression des patients, des soignants et des familles.
  2. Améliorer les conditions de travail de l’ensemble des acteurs de soins et services.
  3. Insister sur le respect de balises éthiques, juridiques et déontologiques lors de la consultation du dossier unique et informatisé et plus généralement dans la pratique du respect du secret professionnel partagé.
  4. Stimuler l’implication et la pro activité du patient en demande d’information tant à propos de sa santé qu’au sujet des répercussions financières
  5. Améliorer la communication des institutions hospitalières notamment en matière d’information financière.
  6. Clarifier les règles de facturation des transports en ambulance.
  7. Permettre au médecin désigné de conseiller un membre de la famille sur son risque de contracter une pathologie à prédisposition héréditaire et de transmettre des tests ou conseils génétiques concernant un patient décédé (ainsi que les informations ayant permis de tirer les conclusions de ces tests) moyennant l’accord écrit et motivé d’un membre de la famille repris dans l’art 9§4 de la Loi sur les Droits du Patient.
  8. Permettre aux prestataires de soins d’interpeller le médiateur pour résoudre un différend avec un patient.